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Le rôle des grands prédateurs sous-évalué

La disparition de ces animaux joue un rôle important dans les pandémies, les espèces invasives ou la propagation du feu.

Ce sont d’imposants mammifères, souvent grands prédateurs. Éléphants, lions, baleines, loups, bisons… Autant d’animaux qui partagent aujourd’hui le triste privilège d’être inscrits sur les listes de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) en raison des lourdes menaces qui pèsent sur leur survie.

Des animaux qu’une récente étude publiée dans Science tente de réhabiliter. Non pas pour le seul plaisir de touristes en mal d’émotions fortes mais pour leur rôle essentiel dans l’équilibre de la nature. «Les recherches récentes montrent que la disparition de ces animaux a des conséquences beaucoup plus importantes que ce que l’on pensait sur des questions telles que la propagation des maladies, le développement des espèces invasives, la séquestration du carbone ou encore les incendies», souligne l’étude conduite par une équipe de 24 scientifiques.

Comment ? Prenons l’exemple des lions et des léopards dans certaines régions de l’Afrique subsaharienne. Leur disparition a provoqué une telle surpopulation de babouins olive que ces derniers se sont beaucoup rapprochés des hommes et leur ont, de ce fait, transmis des parasites intestinaux. Les baleines, qui sont de grosses consommatrices de zooplancton, séquestrent dans leurs déjections le carbone émis par ces micro-organismes. En décimant ces grands mammifères au début du XXe siècle, «105 millions de tonnes de carbone ont été relâchés dans l’atmosphère », souligne l’étude. En Afrique de l’Est, l’apparition de la peste bovine à la fin du XIXe siècle a décimé la population de grands herbivores tels que les gnous et les buffles, provoquant un accroissement des plantes dont ils se nourrissaient et donc une multiplication des incendies à la saison sèche. Ceux-ci n’ont diminué que vers 1960, à la faveur d’une grande campagne de vaccination.

Un rôle oublié

« Beaucoup de scientifiques associent encore les grands animaux en général et les grands prédateurs en particulier, à des passagers installés au sommet de la pyramide des espèces mais n’ayant que très peu d’impact sur la biodiversité des niveaux inférieurs », regrettent les auteurs qui espèrent bien que l’importance de leur rôle va de nouveau être pris en compte.

« C’est vrai que depuis une cinquantaine d’années on a un peu oublié le rôle des grands mammifères et surtout des grands prédateurs », reconnaît Patrick Duncan, chercheur au Centre d’études biologiques de Chizé du CNRS (Deux-Sèvres). « On avait tendance à penser que la seule chose qui régulait les herbivores était la quantité de nourriture dont ils pouvaient disposer », ajoute-t-il. Or, la pression vient aussi d’en haut. Non seulement les grands prédateurs ont un impact sur les populations d’herbivores, mais ils en ont indirectement sur la flore. « Lorsque des herbivores trouvent un territoire à l’abri de l’espèce qui les domine, ils exercent alors une pression considérable sur les plantes. »

La présence ou non de ces carnivores influe sur un grand nombre d’écosystèmes semi-naturels, tout au moins en milieu terrestre. Pour les signataires de l’étude parue dans Science, il est clair désormais que certains grands dérèglements auxquels les sociétés sont parfois confrontées – pandémies, effondrement ou au contraire explosion d’espèces, changement radical de certains écosystèmes – ne peuvent plus être attribués à la seule « complexité de la nature ». Ils doivent être regardés en partant du bas mais également du sommet de la chaîne et des espèces qui s’y trouvent.

Pour Patrick Duncan, la situation française offre d’ailleurs un bel exemple. « Quand certains se demandent pourquoi les loups reviennent en France, de leur propre gré, c’est principalement suite à la restauration des populations de grands herbivores, sangliers et surtout chevreuils », considère le chercheur, « car la pression de la chasse a diminué ». De là à considérer le loup comme un allié pour réguler ces espèces notamment les sangliers qui sont surabondants. À chacun de tirer sa propre conclusion !

Source : Le Figaro

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