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Quand Valeurs Actuelles fait de l’info poubelle

Alpes du Sud. Le retour du prédateur fait peser sur les bergers des contraintes qu’ils supportent mal.

Réinstallé dans les Alpes, “Canis lupus” sera demain dans les Cévennes ou les Pyrénées. Un défi douloureux pour les éleveurs attachés à leurs traditions.

C’était à l’heure où tout se tait dans la grande nuit noire de la montagne. Soudain, un bêlement étranglé, des grognements rageurs, le bruit de la terre battue par des corps lourds. L’aide-berger, le doigt sur la gâchette du fusil, est sorti de sa cabane. Et s’est trouvé nez à nez avec trois grands loups plantés devant deux brebis déjà égorgées. Les trois ont fixé le berger. Six yeux étincelants, impérieux, attentifs. Le grand gaillard, en sueur, a alors senti monter en lui la terrible peur du loup, irrésistible, ancestrale.
Vite, vite, il a fui dans sa cabane pendant que les trois loups dépeçaient tranquillement les brebis. L’éleveur venu prendre la relève quelques heures plus tard l’a trouvé là, toujours gémissant, « pâle comme un mort, inconsolable comme un enfant ».

L’aide-berger a juré qu’on ne l’y reprendrait plus. L’éleveur, lui, n’a pas le choix : souvent enfant du pays, né de parents et de grands-parents eux-mêmes éleveurs, et responsable de centaines de brebis, il lui faut vivre et travailler avec le grand prédateur, revenu en France au début des années 1990, en passant tranquillement d’Italie en France, dans le parc du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes…

Bernard Bruno, éleveur à Saint- Vallier-de-Thiey et président du syndicat ovin des Alpes-Maritimes, prend garde de ne pas l’oublier. Stature massive, oeil clair et perçant, il fouille inlassablement l’horizon du regard. Autour de lui, les portes de Longon, au-dessus de Roubion, dans la vallée de la Tinée, un vaste cirque ouvert entre ciel et mélèzes, où résonnent les sifflements des marmottes et les aboiements des chiens. Le troupeau est-il à l’abri, regroupé entre les chiens qui patrouillent ? N’y a-t-il aucune bête isolée, attardée derrière quelque broussaille ? Durant le seul été 2007, l’éleveur a reçu dix fois la visite du loup. Dix attaques qui se sont déroulées très vite, n’ont laissé que peu de traces et aucune chance à la vingtaine de brebis emportées.

Tous les éleveurs des Alpes vivent peu ou prou sous la menace. En cause, le mode d’élevage extensif, traditionnel dans tout le sud de la France. Bio avant l’heure et avant la mode, le mouton du Mercantour vit dehors et se nourrit des fleurs et de l’herbe sauvage des alpages durant huit à dix mois dans l’année, changeant de site et d’altitude en fonction des saisons.Une itinérance constante qui rend les moutons aussi savoureux que vulnérables. Le loup ne s’y est pas trompé. Lui qui se nourrit ailleurs à 80 ou 90 % d’ongulés sauvages, c’est-à-dire de mouflons et de chamois, préfère les ongulés domestiques dans le Mercantour. Moutons et agneaux, agrémentés parfois de quelques chèvres, peuvent y représenter jusqu’à 45 % du menu. «Mettez-vous à sa place, explique malicieusement Jean-Jacques Suppo, un montagnard de Saint-Étienne-de- Tinée. Le loup est rationnel : il préfère prendre des moutons, dodus, paisibles et pas très malins, plutôt que des chamois, sauvages et agiles, qui lui filent sous le museau… »

Bien sûr, les éleveurs ne laissent pas le prédateur se servir sans se défendre : des chiens patous, originaires des Pyrénées, patrouillent en permanence autour des troupeaux. Les brebis, autrefois libres, sont maintenant parquées la nuit, au plus près des cabanes pour être plus aisément surveillées. Des aides-bergers, dont le nombre varie en fonction de la taille du troupeau, ont été recrutés. Des méthodes efficaces, mais pas infaillibles. «Dans l’ensemble des Alpes, plus de 700 attaques et 3000 victimes ont été recensées en 2007 », constate Christophe Duchamp, ingénieur à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Des dégâts « tout naturellement » en croissance, du fait de l’extension géographique et numérique constante du prédateur.

Car la convention de Berne, ratifiée en 1990 par la France, est formelle : le loup doit être « strictement protégé », son expansion étudiée et sa bonne santé assurée. Résultat : il prospère. Les scientifiques de l’ONCFS scrutent les traces et analysent les déjections. Loup, y es-tu ? Il est déjà dans les Préalpes, on l’a vu dans les Cévennes, on le soupçonne dans le Jura et dans les Pyrénées- Orientales… Cette « espèce très plastique », selon les termes des scientifiques, peut s’acclimater à tous les environnements. Ne l’a-t-on pas vu se nourrir dans des… champs de maïs en Espagne ? «Dans quelques années, vous verrez, il mangera les croquettes dans les jardins des banlieues de Nice ! » ricane un berger.

Les éleveurs, ultime présence humaine permanente dans les hautes vallées, sont en première ligne. D’où l’aide des pouvoirs publics qui s’est mise peu à peu en place, de l’indemnisation directe lorsque des animaux sont tués – entre 130 et 450 euros par animal, selon les cas – au paiement des chiens patous en passant par la prise en charge des salaires des aides-bergers. La seule indemnisation directe représente quelque 800 000 euros par an dans les Alpes. Une somme déjà rondelette, qui dépasse les 4 millions en 2007 si l’on y ajoute les salaires des aides-bergers, pris en charge à hauteur du Smic jusqu’à huit mois par an, ou encore les aides à l’équipement en patous et en parcs. Sans parler des multiples emplois scientifiques et administratifs qui gravitent autour du dossier.

Beaucoup d’argent en somme. D’autant que si l’on s’en tient à la stricte sécheresse des chiffres, les dégâts semblent limités : « Chaque année, 550 000 moutons montent en zone de présence du loup sur l’ensemble des Alpes. Les 3000 victimes de 2007 représentent quelque 0,5 % de ce total », explique Christophe Duchamp.

Les éleveurs en conviennent : le problème n’est plus vraiment quantitatif.

Pas facile de se faire bien comprendre ! Bernard Bruno réfléchit, explique, insiste: «Le loup, au bout du compte ,on peut encore s’en accommoder. Ce n’est qu’une bête, peut-être a-t-il des droits sur la montagne, après tout… Mais tout le reste! Tout ce que cette affaire a impliqué ! La paperasse, le temps perdu, la liberté rognée, nos métiers et nos vies brisés… »

Plus que leur revenu écorné, plus même que leurs brebis égorgées, les éleveurs pleurent en fait leur métier perdu. Ils étaient des hommes libres : il leur faut rendre des comptes à tout le monde. Centres de gestion, dossiers administratifs liés aux aides et subventions, contrats, salaires : une perte de temps qui éloigne sans cesse les éleveurs de leurs alpages alors même que la surveillance est devenue cruciale. Ils étaient seuls, le plus souvent : il leur faut vivre avec des aides-bergers, au savoir-faire fragile, ou des “écovolontaires” envoyés par les associations de protection de la nature et souvent soupçonnés de préférer le loup aux moutons. Le troupeau, lui aussi, était libre : le voici protégé mais parqué, exclu de certains pâturages. Toute une tradition mise en cause: «Veut-on que l’on passe à l’intensif, à l’industriel, aux animaux gavés d’aliments préfabriqués ? » se récrie un berger.

La vie quotidienne ne vaut pas mieux. Les patous, des chiens blancs très impressionnants, sont ingérables en zone touristique. « Sur le plateau de Chéron, dans l’arrière-pays vençois, nous ne pouvons pas les garder. Trop dangereux», explique Jean-Pierre Isnard, éleveur à Vence et président de l’association départementale des Jeunes Agriculteurs. Nombre de communes, inquiètes de la présence des molosses, leur interdisent la traversée de leur territoire. Sans parler de ceux qui, apeurés, les empoisonnent aux abords des villes. Comment, dans ces conditions, mener à bien la transhumance, grand moment de la vie du troupeau ?

Les aides ? « C’est beaucoup d’argent, c’est sûr, souligne Monique Bassoleil, chef du service élevage à la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes. Mais un argent qui au fond ne satisfait personne et ne fait que compenser le manque à gagner. Les éleveurs auraient préféré qu’on les aide à se doter de cabanes décentes, ou bien à financer des équipements d’alpage, parcs en dur… » Surtout, cet argent a fait naître la suspicion, humiliante : « Aujourd’hui, on nous traite de chasseurs de primes », laisse tomber, amer, Jean-Pierre Isnard. Pour ne pas dire pire : « On nous a amené un prédateur qui nous tue. On n’a pas ou peu le droit de se défendre. Et en plus, on passe pour des voleurs ! », s’emporte Bernard Bruno.

Blessure insupportable pour des hommes fiers de leur histoire et de leurs valeurs. Car, bien que de faible rapport, le métier de berger était depuis toujours considéré comme noble.On y vivait au sein des grands espaces, au contact du monde sauvage, sur les traces des parents et grands-parents. Les touristes le savaient bien, eux qui au hasard des chemins, naguère, ne saluaient le berger, un ancien le plus souvent, qu’avec grand respect, en prenant soin de ne pas déranger.

Bernard Bruno se tourne vers ses enfants, présents pour les vacances sur l’alpage : prendront-ils la relève ? L’éleveur n’y croit guère. D’autant que l’histoire n’est pas finie : « Vous verrez, conclut-il, goguenard, demain, nous aurons l’ours. Lui aussi arrivera tranquillement, par la montagne. Et on lui déroulera le tapis rouge. »

Valeurs Actuelles
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L’association Le Klan du Loup s’étonne que le magazine Valeurs Actuelles puisse écrire : « […] Et s’est trouvé nez à nez avec trois grands loups plantés devant deux brebis déjà égorgées. Les trois ont fixé le berger. Six yeux étincelants, impérieux, attentifs. Le grand gaillard, en sueur, a alors senti monter en lui la terrible peur du loup, irrésistible, ancestrale.[…] ».

V.A. préfère tomber dans le « sensationnalisme rocambolesque » plutôt que de faire un article informatif.

Le magazine Valeurs Actuelles serait-il jaloux des « valeurs » de Closer ?

Commentaires sur l’article « Quand Valeurs Actuelles fait de l’info poubelle »

4 réponses

  1. bonjour, à croire que les multiples empoisonnements dont ont été victimes des chiens patous en Savoie ne vous interpellent guère. Par contre lorsqu’un loup est retrouvé mort, alors là c’est une catastrophe…on vous pose des questions vous répondez uniquement à celles que vous voulez bien traiter, le reste vous est carrément indifférents. L’écologie a du bon mais l’extrêmisme n’a rien de crédible, pour moi la tolérance ne fait pas partie de votre vocabulaire.Je peux me tromper.mais  vos différentes intervensions le démontre lorsqu vous refuser la discussion en écrivant des railleries qui pourtant ont été prouvées… et oui le loup a déjà attaqué l’homme de par le passé, alors une bonne fois pour toute, arrêtez de vous prendre pour les colporteurs de La Vérité quand vous nous répondez.Aller, sur ce je vous souhaite une bonne nuit… et n’hurlez pas trop après m’avoir lu 

  2. Cher Laurent,

    Mais qui a bien pu vous mettre dans la tête que les empoisonnements de patous nous laissaient indiférents ? Nous les condamnons, tout autant que les assassinats
    de loups. En effet, le patou est l’une des solutions (mais non la seule) pour remédier aux attaques de loups -et de chiens errants- sur les troupeaux.

    Libre à vous de croire que le loup attaque l’Homme ; certaines personnes croient bien que la Terre est plate et que le Soleil tourne autour
    d’Elle…

    Quant à l’association Le Klan du Loup, elle est résolument, fermement et invariablement pour la protection et la défense du Loup en France.

    Salutations lupines.

    Le Klan du Loup

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