Photographie d'un Patou et d'un troupeau de mouton à la montagne.

Dans les Alpes du Sud, la difficile coexistence entre éleveur et Loup

Ils ne possèdent que cinquante chèvres et cinq vaches, mais cela leur suffit pour vivre « correctement ». Jean-Claude Fabre et Hugues Fanouillaire fabriquent eux-mêmes les fromages que des connaisseurs viennent acheter à La Roria, leur ferme située dans le parc national du Mercantour. « On produit peu, on transforme, on commercialise des produits de qualité, et ça marche », résume Hugues Fanouillaire. Les deux associés sont fiers de leur réussite, pas si fréquente dans les zones de montagne. Ils n’ont qu’un seul problème : le loup.

Dans la bergerie, un chevreau rendu boiteux par une morsure en témoigne : le prédateur a la dent dure. « La première attaque remonte à juin 2003 : six bêtes ont été tuées », relate Hugues Fanouillaire. Elles n’ont pas cessé depuis. « Leur comportement évolue, poursuit l’éleveur : au début, ils s’attaquaient aux bêtes malades ou isolées, la nuit. Maintenant, le loup attaque à tout moment, par jeu. Il tue quatre chèvres et n’en mange qu’une. Il sait qu’il a tous les droits. »

Quasiment exterminée au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, l’espèce Canis lupus est aujourd’hui strictement protégée au niveau international et européen. Abattre l’un de ses représentants constitue un délit qui peut conduire au tribunal. Le loup est revenu dans les Alpes françaises, depuis l’Italie, au début des années 1990. Quinze ans ont passé, mais la cohabitation avec les éleveurs est toujours aussi difficile. Hugues Fanouillaire l’affirme : « Des éleveurs qui sont pour le loup, je n’en connais pas. »

« Le problème de la cohabitation ne se pose pas seulement en France, mais dans le monde entier, avec les éléphants, les lions, les tigres, les chimpanzés ou les babouins qui ravagent les cultures, explique Christine Sourd, directrice adjointe des programmes de l’association écologiste WWF France. C’est en train de devenir une source de disparition d’espèces. »

Pour y remédier, les Etats concernés et l’Union européenne ont mis en place des programmes d’accompagnement. De 2004 à 2008, 5 millions d’euros ont été investis dans Life COEX, un plan visant à améliorer la coexistence entre agriculteurs et grands carnivores du sud de l’Europe. Son objectif n’était pas d’aboutir à une impossible réconciliation, mais de « faire baisser le niveau réciproque d’agressivité », selon Christine Sourd. Des actions ont eu lieu dans cinq pays aux situations comparables : la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Croatie. Concrètement, le programme a permis d’aider à la pose de clôtures électriques pour protéger les troupeaux et d’introduire des chiens de gardiennage, les patous. L’été, des bénévoles sont venus surveiller les bêtes.

D’autres actions (héliportage de matériel dans les estives, restauration de cabanes, soutien à la valorisation économique des produits fermiers) ont été menées. En France, elles sont venues compléter les aides d’Etat au gardiennage des troupeaux, qui s’élèvent à 4 millions d’euros par an. « Dans les zones de présence forte du loup, la plupart des éleveurs utilisent aujourd’hui les clôtures et les chiens de garde », explique-t-on au ministère de l’écologie.

Quel bilan tirer de ces mesures ? Du point de vue du loup, c’est un succès. L’espèce est dans un état de conservation favorable. A tel point que des tirs sont autorisés pour faire baisser la pression sur les troupeaux. Des protocoles fixent les conditions dans lesquelles les animaux peuvent être abattus : les attaques doivent être répétées, des mesures préventives d’effarouchement doivent avoir été tentées, etc. Un quota de quelques animaux est fixé chaque année, afin de ne pas compromettre la survie de l’espèce. Au total, six loups ont été abattus dans ce cadre depuis 1992. Le braconnage existe, mais pas dans des proportions de nature à compromettre la viabilité de l’espèce.

Du point de vue des éleveurs, le bilan est plus mitigé. Le gardiennage permet de limiter les prédations, mais pas de les supprimer. « La prédation zéro n’existera jamais, affirme Jean-Luc Borelli, responsable du programme Pastoraloup, qui forme les bénévoles au gardiennage. Politiquement, les éleveurs sont donc forcément opposés aux prédateurs. Mais techniquement, certains sont prêts à les tolérer, si les dommages restent supportables. »

En 1994, 200 animaux avaient été tués. En 2005, le chiffre a atteint 3 700, avant de redescendre à 2 500 l’année suivante. « Le nombre de victimes baisse, alors que le nombre de loups augmente », relève-t-on au ministère de l’écologie. L’indemnisation de ces pertes a coûté 850 000 euros en 2006.

Où se situe la limite du supportable pour un éleveur ? Selon Jean-Claude Fabre, l’associé d’Hugues Fanouillaire, l’idéal serait « zéro loup ». « Il faut parquer les loups au lieu de parquer les éleveurs », dit-il. Quitte à « leur faire la guerre à mort » dans certaines zones.

« Ce n’est pas rentable de payer un salarié pour garder cinquante chèvres, renchérit son associé. Cet été, nous avons des bénévoles au troupeau, mais c’est une solution provisoire. Nous sommes prêts à faire des concessions, mais jusqu’à quand ? »

Commentaires sur l’article « Dans les Alpes du Sud, la difficile coexistence entre éleveur et Loup »

2 réponses

  1. Au moins ils se bougent pour trouver des solutions c’est pas pareil partout :-))) amitiés et bonne fin de semaine

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