bidonnage-documentaires-animaliers
Table des matières

Bidonnage de documentaires animaliers

Etant donné que les tournages avec des animaux sont parfois interminables, peut­-on reprocher aux réalisateurs de prendre quelques libertés ici et là ? Oui, si cela entraîne de mauvais traitements ou si l’image véhiculée ne correspond pas à la réalité.

Bien entendu, la plupart des documentaristes sont plein de bonnes intentions. Chris Palmer, réalisateur reconnu et auteur de deux livres sur les trucages dans les programmes animaliers, a confié au Huffington Post quelques secrets de tournage ignorés de la plupart des spectateurs.

« Les équipes partent avec l’idée de rapporter des séquences intéressantes », explique-t-­il. « Mais, au bout de quelques jours sans rien, quand il ne leur reste plus que 24 heures et qu’elles sont à court d’argent, elles commencent à désespérer. Elles ont des familles à nourrir, des traites à payer. C’est un vrai dilemme moral. »

Pour ne rien arranger, la plupart des chaînes ne leur accordent que quelques jours pour rapporter les images édifiantes qui sauront capter l’attention des téléspectateurs. Une étude sur la déontologie dans les tournages animaliers, menée en 2009 par le Center for Media and Social Impact, a pointé du doigt ce phénomène.

Cela peut paraître étonnant, mais on interroge rarement les équipes pour savoir comment elles ont obtenu leurs images. « Une large partie des mauvaises pratiques reste méconnue », poursuit Chris Palmer. C’est surtout grâce aux anecdotes qui circulent dans le métier que l’on peut découvrir ce qui se passe sur le terrain. Voyons donc quelques-unes des astuces étonnantes utilisées pour capter la séquence parfaite…

Des M&Ms dans des carcasses d’animaux

Les ours en captivité sont souvent dressés à l’aide de petites friandises, raconte Chris Palmer. Pour filmer un ours qui renifle ce qui ressemble à une proie encore fraîche, les réalisateurs placent parfois des bonbons dans des carcasses d’animaux morts écrasés, afin de l’attirer. Cette information figure souvent dans le générique de fin, mais qui le lit ? En n’affichant pas plus clairement la couleur, on prend le risque de compromettre la relation de confiance qui existe entre les spectateurs et les auteurs de films.

Certains réalisateurs (souvent bien intentionnés) attirent les animaux sauvages avec de fausses proies. Dans son livre Confessions of a Wildlife Filmmaker (Les Confessions d’un réalisateur de documentaires animaliers), publié cette année, Chris Palmer évoque un collègue, Tom Campbell, qui avait attaché un faux phoque à la poupe de son bateau pour filmer des requins, qui effectuaient des bonds hors de l’eau pour tenter de l’attraper. Les images obtenues étaient superbes mais Campbell avait appris par la suite que les requins s’épuisent vite avec de telles acrobaties, et qu’ils abandonnent l’idée de chasser après un certain nombre de tentatives.

Mais il y a d’autres façons créatives de jouer avec la déontologie. Les réalisateurs Carol et Richard Foster ont ainsi appâté des chauves-­souris vampires avec – tenez-­vous bien – un appât humain ! Le volontaire, qui avait été vacciné contre la rage, faisait semblant de dormir pour que la séquence puisse être tournée.

Des animaux domestiqués pour les gros plans

Les prédateurs effrayants que l’on voit à l’écran sont parfois loués à un élevage, histoire de simplifier les choses. Dans son livre Freeze Frame (Arrêt sur image), publié en 2012, Doug Allan, réalisateur de films sur les animaux polaires, a révélé quelques-­uns des trucs utilisés dans les documentaires sur la faune sauvage. Souvent, pour les petits animaux, les prises de vue sont réalisées dans des enclos, comme c’est le cas pour la quasi totalité des images du film Hidden Kingdoms (Royaumes cachés), réalisé pour la BBC. « Il faut du talent pour filmer en studio. Je ne le possède pas », a expliqué Doug Allan dans une interview au Guardian.

Mais l’utilisation de décors artificiels ne se limite pas aux petits animaux. Un scandale a éclaté en 2011 quand on a appris qu’une des scènes de la série documentaire de la BBC Frozen Planet (Planète gelée) – à laquelle Doug Allan avait d’ailleurs collaboré – a été tournée dans un zoo aux Pays­-Bas ! Un trucage déjà utilisé par la chaîne dans un documentaire de 1997, avec des ours filmés en Belgique. L’enquête menée par le Sunday Telegraph a montré que les animaux que l’on voyait dans les documentaires de la BBC étaient très souvent des animaux en captivité, comme ces poissons clowns qui s’étaient reproduits non pas dans l’océan mais dans un centre de recherche universitaire, ou ce faisan présenté comme sauvage mais qui avait été filmé dans une réserve naturelle, sans que le téléspectateur en soit véritablement informé.

Chris Palmer admet avoir lui­-même utilisé certaines astuces durant ses trente années de carrière. En 2010, dans son livre Shooting in the Wild(Filmer en pleine nature), il expliquait comment le court métrage documentaire Wolf (Loup), tourné en 1999, avait en réalité été filmé avec des animaux loués à un élevage du Montana. Un plan serré sur une louve allaitant ses petits avait ainsi été tourné en décor artificiel. Célèbre défenseur de la faune sauvage, David Attenborough s’est dit lui­-même favorable à l’utilisation d’animaux en captivité, au nom de la sécurité des hommes et des bêtes. À condition, bien sûr, que les animaux soient bien traités.

Des images de synthèse

Des émissions extrêmement populaires aux Etats-Unis comme Planet Earth (Planète Terre), réalisées sans images de synthèse, prouvent qu’on peut encore s’en passer. Pourtant, les avancées dans ce domaine parviennent à tromper même les experts les plus pointus, comme David Attenborough. En visionnant l’adaptation américaine de L’Odyssée de Pi, il se souvient avoir sursauté en voyant des acteurs s’approcher si près d’un tigre, avant de se rendre compte qu’il était en images de synthèse.

L’imagerie numérique peut permettre de réaliser des documentaires sans déranger des créatures que nous souhaitons à la fois mieux connaître et préserver. Le problème tient dans le manque d’information donnée aux spectateurs. Ainsi, le documentaire L’Incroyable Odyssée comprend de nombreuses séquences en images de synthèse pour illustrer l’extraordinaire périple des tortues Caouannes des côtes de Floride jusqu’aux côtes africaines. Mais si les spectateurs ne sont pas clairement avertis, « comment pourront-­ils encore croire que tout le reste n’a pas été bidonné », se demandait Manhola Dargis dans le New York Times.

Des histoires montées de toutes pièces

Les images de synthèses permettent aussi de bâtir des trames narratives cohérentes à propos, par exemple, du long voyage de la tortue Caouanne. Mais une autre façon de tricher consiste à monter des images d’animaux qui se ressemblent. En utilisant les prises de vues réalisées avec des animaux différents, on parvient à inventer des histoires de familles dans le règne animal.

Dans Shooting in the Wild, Chris Palmer raconte comment l’équipe de Whales (1996) s’est servi de cette technique. N’ayant ni le temps ni l’argent de suivre un groupe de baleines à bosse sur près de 5000 kilomètres depuis Hawaï et jusqu’à l’Alaska, ils ont simplement inventé l’histoire d’une mère et de son baleineau en compilant les images de différents cétacés.

Des scènes de chasse où les proies sont littéralement livrées en pâture

Certains réalisateurs fabriquent des scènes de chasse dans lesquelles les proies n’ont aucune chance de s’en sortir. En 1996, le Denver Post a révélé que le présentateur de Wild America, Marty Stouffer, avait soigneusement mis en scène un nombre important des séquences les plus fortes de son émission, mais que cela avait entraîné la mort de certains des animaux.

Stouffer aurait par exemple permis qu’on réunisse, dans un espace clos, un cerf avec une meute de loups. « Une bobine coûte 125 dollars », se justifiait l’intéressé. « Nous ne pouvons pas tourner pendant huit, dix, voire même cent heures jusqu’à ce qu’un poisson se décide à gober un insecte. » À la suite d’une enquête interne, la chaîne PBS s’était désengagée de la série.

Quelques décennies auparavant, les mauvais traitements envers les animaux étaient plus ou moins monnaie courante, ajoute Chris Palmer. On donnait par exemple toutes ses chances à un félin d’attraper un lapin en attachant un fil invisible à la patte de la proie pour ralentir sa course. L’étude menée en 2009 par le CMSI a révélé qu’un réalisateur avait reconnu qu’un lapin avait eu la patte brisée pour que l’équipe du tournage puisse faire de meilleures images du prédateur en action. En 1966, le magazine Life avait publié une série de photos montrant un léopard (en captivité) blessant mortellement un babouin. Le félin avait été lâché sur un groupe de babouins, mais au lieu de s’enfuir dans les arbres comme les autres, l’un s’était retourné, ce qui lui avait coûté la vie.

Des séquences trafiquées pour rendre les animaux plus effrayants

Tout le monde sait que les images les plus spectaculaires du monde sauvage sont celles qui rassemblent le plus de téléspectateurs. Les réalisateurs ont donc besoin d’animaux qui chassent, chargent et attaquent, au point parfois de les mettre en scène. Ainsi, dans Wild America, une scène de jeu entre un couguar apprivoisé et son maître aurait été déguisée en attaque féroce. Pour des séries documentaires comme Yukon Men, Shark Week ou Chasseurs de crocos, les producteurs n’hésitent pas à modifier la chronologie des plans et à ajouter de la musique pour gagner en intensité, quitte à s’éloigner de la réalité, note Adam Weiz dans le Guardian.

Mais les documentaires traditionnels peuvent aussi donner une image déformée de la réalité. Pour attirer les requins, par exemple, on utilise généralement du « chum », un agréable mélange de viscères de poissons et de sang, qui excite les requins au point de changer radicalement la façon qu’ils ont de se nourrir, et contribue à donner d’eux l’image de machines à tuer.

Selon Chris Palmer, ces images sensationnalistes peuvent « détourner l’attention du vrai problème » de la préservation des espèces. Mais le réchauffement des océans est un thème moins captivant que les images de requins bondissant hors de l’eau.

Des sons recréés en studio

L’ajout d’effets sonores artificiels est probablement la forme de trucage la plus répandue dans les films animaliers. Certains n’y voient d’ailleurs aucune tromperie. Il serait difficile, voire dangereux, d’approcher le matériel suffisamment près pour capter le bruit, par exemple, d’un ours polaire qui dérape sur la glace. De retour en studio, un ingénieur du son tentera d’en reproduire le son en faisant glisser de la crème anglaise dans un collant. Le bruit d’un parapluie qu’on ouvre et qu’on ferme sera substitué au battement d’ailes d’un oiseau. Et, comme c’était le cas dans l’un des premiers films de notre spécialiste, on reproduira le bruit d’un ours dans la rivière en remuant ses pieds dans un seau d’eau ! Cet artifice est cependant bénin. Mieux vaut des éclaboussures recréées par quelqu’un en studio que pas d’éclaboussures du tout…

Des lemmings tués par Disney pour les besoins d’un documentaire

Oui, oui, c’est vraiment arrivé. L’équipe du film Le Désert de l’Arctique, produit par Disney en 1958, avait décidé, on ne sait pourquoi, de « prouver » que le suicide de masse des lemmings en cas de surpopulation n’était pas une légende. Ils avaient donc acheté des lemmings à un gamin canadien au prix de 25 cents l’unité, convoyés par bateau jusqu’au lieu du tournage avant de les pousser dans l’eau. Les caméras étaient placées de manière à dissimuler le rôle joué par les membres de l’équipe. Les spectateurs n’en ont rien su et le film a remporté un Oscar. Une enquête menée en 1982 par la Société de radiodiffusion canadienne a finalement dévoilé le trucage complet de cette scène spectaculaire.

Ou quand Disney a précipité un ours polaire sur des rochers

Là encore, tout est vrai. Dans le même film, l’équipe avait décidé d’amuser les spectateurs en filmant la chute d’un ours polaire le long du versant escarpé d’une colline recouverte de neige, apparemment parce qu’il ne s’était pas montré assez prudent. Mais toute la scène, y compris les rochers, avait été truquée.

Chris Palmer pense que les réalisateurs contemporains ne se risqueraient pas à recréer ce genre de scène. Faire tomber un ours d’une falaise, en 2015, signerait la fin de leur carrière si le public venait à l’apprendre. Quant à la BBC, elle propose désormais à ses équipes des formations sur la déontologie. Mais les bons films demandent toujours beaucoup de temps et d’argent, deux choses que les chaînes de télévision ne peuvent – ou ne veulent – pas toujours fournir. S’il revient aux réalisateurs de se montrer responsables sur le terrain, les chaînes doivent aussi s’assurer que les images sont réalisées de manière éthique, sans causer de dommages aux animaux, conclut-­il. La situation ne changera que si les chaînes et les réalisateurs s’accordent à vouloir donner une représentation honnête du monde sauvage.

Source : Huffington Post

bidonnage-documentaires-animaliers
Photographie d’illustration

Il n’y a pas que les documentaires animaliers qui sont bidonnés.

Une certaine presse française, aux ordres du lobby anti-loup, s’est fait une spécialité des pseudos attaques de loup ainsi que des photographies de loup…qui n’en sont pas.

association Le Klan du Loup

Commentaires sur l’article « Bidonnage de documentaires animaliers »

1 réponse

  1. Édifiant. ….je ne regarde pas les scènes ou les animaux sont tués. …je me doutais bien de ses trucage. ..merci

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *