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Le billet lupin d’Anne Ménatory

Ah, le loup ! Quarante-deux dents, une allure souple et musclée, et, si l’on en croit certains contes, un goût immodéré pour les petites filles en rouge, transportant une galette et un pot de beurre. Et ce, après avoir avalé leur grand-mère en guise de collation.

Il n’en faut pas plus pour ressusciter la légende d’un monstre assoiffé de sang chez tous ceux qui prennent au premier degré (mais peut-être ne peuvent-ils pas faire autrement ?) une parabole destinée à prévenir les jeunes filles des mauvaises rencontres que la vie peut leur réserver.

L’animal en question a encore une fâcheuse tendance à apprécier le gigot de mouton. là, on n’est plus dans la parabole, mais dans la réalité. Le Canis lupus, c’est un fait, aime le moutons. Les êtres humains aussi, d’ailleurs, et c’est en grande partie pour cela qu’ils en élèvent.

Le loup commettrait ainsi des dégâts terribles dans les troupeaux, notamment dans le sud du Massif central. On annonce, ici ou là, des attaques particulièrement meurtrières. Des prélèvements sont effectués et, lorsqu’on évoque un « soupçon d’attaque due à un loup », on attend parfois en vain les résultats définitifs.
D’autres fois, on parle d’hybrides.

Alors, essayons d’y voir un peu plus clair, en dehors de tout manichéisme. Et, en considérant qu’il est normal, et pas seulement du point de vue des éleveurs, que le loup (ou tout autre canidé et nous allons y revenir) ne puisse systématiquement considérer un troupeau d’animaux domestiques comme son garde-manger.

Il faut d’abord s’arrêter sur le problème des chiens errants, ou divagants, selon une terminologie aujourd’hui à la mode, mais cela veut dire exactement la même chose.
Les chiffes, à cet égard, sont éloquents : chaque année, ce sont des dizaines de milliers de brebis qui périssent sous les crocs de braves toutous plus ou moins fugueurs. Curieusement, et depuis que l’on sait que des loups ont pu entrer dans le territoire français depuis l’Italie, on ne parle plus de chiens errants mais, à chaque fois, du loup… Les statistiques des assureurs sont édifiantes, et il peut être bon de s’y référer.
Et on ne parle pas de la foudre qui, en montagne, tue énormément de bêlants animaux, des chutes, des maladies, des attaques de sanglier (des amis éleveurs m’ont fait part d’attaques de ce genre, les sangliers pullulant en certains endroits car ils constituent une cible de choix pour certains maniaques de la gâchette).

Il y a les hybrides. Mais là encore, il s’agit de chiens.

Je m’explique : il y a des années, quelques apprentis sorciers ont voulu créer un chien-loup – c’est à dire un animal doté d’aptitudes remarquables, tout en possédant les caractéristiques du chien –
Le chien de Saarloos est le plus connu de ces chiens. Car il s’agit d’un chien, en vertu des lois de la génétique, le sang de loup étant depuis longtemps dilué à travers des générations de reproductions à partir de chiens exclusivement.
La Fédération Cynologique Internationale [FCI] reconnait d’ailleurs le chien de Saarloos qui, de fait, a une allure vaguement lupoïde. Suffisamment, en tout cas, pour tromper un observateur peut averti.

Sachant tout cela, reconnaissons qu’il ne reste plus beaucoup de place pour la prédation du seul loup.

Toutefois, si un loup (véritable) ou quelques loups peuvent être installés sur une portion du territoire, on doit se poser la question de leur provenance.

Les loups peuvent parcourir de très grandes distances… s’ils sont dérangés. Un loup chassé par le mâle dominant, par exemple, peut partir très loin de son clan d’origine. Mais il ne peut pas rester très longtemps tout seul. Il doit impérativement trouver un autre clan et s’y faire accepter.

Le loup est un animal éminemment social et le loup solitaire est mythe, ou, à tout le moins, un état très temporaire pour un animal anormalement esseulé.

Autre possibilité, plus crédible : certaines personnes ont pu se procurer (plus ou moins facilement et par des moyens peu scrupuleux) un louveteau. Celui-ci, arrivé à l’âge d’un an et demi, deux ans, peut poser quelques problèmes à son « maître ». Surtout si ce dernier ne possède pas quelques rudiments de connaissances en termes de comportement animal. La tentation sera alors grande de le lâcher dans la nature…

Le problème est donc complexe. Mais une chose est sûre : il y a beaucoup moins de loups que ce que certains veulent le faire croire, dans le Massif central.

Il me semble, en tout cas, que l’Homme ne peut continuer à annexer des territoires à son seul profit car, trop souvent, cela conduit à n’avoir que des animaux domestiques dans des zones dites « naturelles », voire « sauvages ».
Il n’est pas certain que, à terme, l’espèce humaine y gagne quoique ce soit.

Anne Ménatory, pour Le Klan du Loup

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