Insigne de lieutenant de louveterie.

Les exterminateurs portent un nom : Louveterie

« Il y a 150 ans qu’un loup n’a pas été tué dans la Somme« , affirme Michel Brice. Et pourtant, la fonction de lieutenant de louveterie, qu’exerce ce retraité agricole dans le sud de la Somme (secteur de Montdidier, Moreuil, Ailly-sur-Noye et Boves) existe toujours.

Partout dans la région, ces agents de l’État assurent « une mission de service public ». Sangliers, renards, lapins, blaireaux, pies ou encore corneilles, autant d’espèces que la chasse ne suffit pas toujours à réguler. D’où l’existence du corps des louvetiers, en charge de l’organisation des battues à la demande des services de l’État.

Président de l’association départementale des lieutenants de louveterie de la Somme, Bernard Pointin œuvre sur Amiens, Albert et leurs environs. Il exhibe le dernier ordre de mission en date du 30 juillet : un arrêté préfectoral portant sur l’« autorisation de destruction de tir de nuit du renard ». « Je préfère le mot régulation, insiste le chasseur, nous faisons en sorte d’harmoniser. » Il argumente sur la nécessité de ne pas laisser proliférer un carnivore « vecteur de nombreuses maladies ». C’est la raison de l’inhumation sur place des quelque 1500 à 2000 renards abattus sur l’ensemble du département chaque année.

S’il faut être chasseur avant d’être louvetier, Bernard Pointin distingue le loisir de la mission. « À chaque sortie en tant que lieutenant, je rappelle à mon équipe que c’est tout sauf une partie de plaisir ! » Ces jours-ci, le groupe se retrouve environ une fois par semaine pour une expédition nocturne d’environ quatre heures à travers routes et chemins, sans pénétrer dans les zones habitées. Un chauffeur, deux personnes dédiées aux projecteurs pour débusquer l’animal et le lieutenant de louveterie, seul habilité à employer la carabine. Chaque fait est consigné dans un rapport annuel. Chez les louvetiers, la réflexion précède l’action et l’expérience pèse sur la volonté d’assumer cette fonction.

Des sangliers se baladaient près du stade de la Licorne

C’est encore plus vrai lors des missions particulières. Michel Brice se souvient de la dernière, il y a environ trois ans. « Elle s’est déroulée de jour car nous étions exceptionnellement en ville avec des sangliers signalés dans Amiens, près du stade de la Licorne, se souvient-il. Nous avions une obligation de résultat et de faire preuve d’une prudence extrême, il y avait eu beaucoup de repérages en amont. » Bernard Pointin y était aussi. Mis à part une sécurité renforcée, les deux sexagénaires ont vécu cette mission comme les autres. Lorsque la traque concerne le sanglier ou le renard, les lieutenants de louveterie opèrent avec leurs chiens. Bernard Pointin a opté pour 5 chiens courants (la réglementation en impose 4 au minimum), des Fox. Pour Michel Brice, il s’agit de 3 chiens de déterrage (un minimum de deux est requis) de race teckel et Jack Russell. Selon la nature de la mission, les lieutenants associent leurs « moyens canins », « il peut y avoir 15-20 chiens »

Habitués à s’occuper de différentes proies, les lieutenants de louveterie ne peuvent évidemment pas assurer leur mission originelle : la capture du loup. « La présence de cet animal n’est pas d’actualité en Picardie mais quelques cas ont été signalés dans les Vosges, en Haute-Marne ou dans l’Aube. Sachant qu’un loup peut parcourir 300 km dans un délai assez court, on peut craindre son arrivée… » Mais si le loup fait un jour son retour dans nos terres, pas sûr qu’il croisera nos lieutenants. S’ils se représentent cette fois à leur poste, ils n’excluent pas que ce soit leur dernier mandat.

3 questions à Marie-Andrée Guilluy
Chargée de mission direction départementale des territoires et de la Somme

Comment est née la fonction de lieutenant de louveterie ?

Charlemagne a créé cette institution afin d’éliminer les loups. La loi du 9 juillet 1971 est venue l’adapter à l’économie moderne. Aujourd’hui, la mission principale des louvetiers est d’organiser les battues administratives ou les chasses particulières. Ils participent aussi à diverses réunions, notamment pour élaborer le plan de chasse au gros gibier.

Comment sont-ils recrutés ?

Ils font office de conseillers cynégétiques (NDLR : terme relatif à la chasse avec chiens) auprès du préfet et prêtent serment devant le tribunal de grande instance. Ils doivent avoir moins de 75 ans et satisfaire à un examen médical, posséder un permis de chasse depuis plus de 5 ans et ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale pour cette activité, résider dans le département où ils se présentent ou dans un canton limitrophe. Pour une première candidature, les connaissances techniques sont vérifiées à l’aide d’un questionnaire.

Et pour les louvetiers en place ?

Chaque année, ils fournissent un compte rendu de leurs activités et le renouvellement de leur mandat donne lieu à un entretien. Lors du dernier renouvellement, les dix titulaires s’étaient représentés et nous avions dix autres postulants. Il faut également noter que cette fonction est bénévole.

Courrier Picard

Cette « institution », créée aux heures les plus sombres de notre Histoire, n’a pas sa place dans un pays civilisé.

Les louvetiers doivent être classés comme nuisibles à la biodiversité.

association Le Klan du Loup

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