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L’industrie ovine est bonne pour la montagne ? Fake news !

Le plus engagé des journalistes britanniques, George Monbiot du Guardian, a longtemps critiqué le niveau excessif de consommation de viande dans les pays développés, tout en clamant dans un éditorial publié en 2010 que le véganisme était un faux débat. Pour Monbiot, comme pour de nombreux autres écologistes, c’était l’élevage industriel qui était à condamner, pas la consommation de produits animaux. L’impact dévastateur des systèmes industriels, basés sur la monoculture fourragère et les élevages concentrationnaires, n’est en effet plus à démontrer. Les ruminants broutant en liberté, au contraire, tirent avantage de simples prairies pour offrir aux humains des protéines comestibles. Mieux encore, les prairies permettraient de stocker le carbone atmosphérique, contribuant ainsi à lutter contre le changement climatique. En somme, le pâturage représente un terrain d’entente verdoyant entre écologistes, éleveurs et consommateurs.

Pourtant, en octobre 2017, ce même George Monbiot écrivait sans détour : « Nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution, une révolution presque aussi profonde que les autres grands tournants de l’Histoire : l’adoption d’un régime végétal […]. L’heure est venue de mettre au placard toutes ces mauvaises excuses, toute cette désinformation et tout ce petit confort illusoire. » Ce revirement, argumenté dans plusieurs articles et interventions du journaliste devenu végane en 2016, est renforcé par l’accumulation d’études dénonçant les prétendus bienfaits écologiques de l’élevage sur herbe qualifiés de… « mauvaises excuses », de « désinformation » et de « confort illusoire ». La vérité, celle qui dérange, est bien celle-ci : en dépit des avantages relatifs du pâturage en matière de respect des animaux, de qualité des produits et d’implications économiques et sociales, les impacts écologiques de ce système sont globalement pires que ceux de l’élevage industriel.

Les émissions de gaz à effet de serre et le stockage du carbone

Commençons par le changement climatique. L’ensemble des ruminants, qui sont pour moitié élevés dans des systèmes mixtes combinant pâturage et compléments alimentaires, fournissent 47% des protéines issues d’animaux terrestres consommées dans le monde, mais sont responsables de 80 % des émissions de l’élevage. Les ruminants élevés exclusivement sur pâturages – 18% des bovins et 33% des chèvres et des moutons – ne produisaient qu’un seul gramme des 81 grammes de protéines consommées par jour dans le monde en 2000 (aucune estimation plus récente n’a été réalisée, mais cette contribution s’est probablement réduite en raison de la tendance à l’intensification des élevages). Ces ruminants ne fournissent que 3,7% des protéines issues d’animaux terrestres mais représentent 20% des émissions provenant de l’élevage.

Mais les tenants du pâturage soulignent que les prairies pâturées ont une grande capacité à fixer le carbone atmosphérique, si bien qu’au total le pâturage aurait un impact neutre voire favorable sur le climat. L’agriculteur et écologiste Allan Savory prône un système de « pâturage holistique » où le broutage et le piétinement des ruminants provoqueraient une consolidation des racines des herbes et améliorerait la fixation du carbone dans le sol, à tel point que les gaz à effet de serre émis par les activités humaines pourraient être compensés grâce à la généralisation de cette technique. Si, interrogé un jour par Monbiot, Savory a été incapable d’étayer cette affirmation lancée lors d’un discours très en vue sur Internet, une récente étude menée par le Food Climate Network démontre au contraire que la capacité d’absorption de carbone des prairies est bien loin de compenser les émissions dues aux ruminants sur ces mêmes prairies, et encore moins les émissions d’autres activités humaines !

Selon cette étude ayant nécessité deux ans de recherche et s’appuyant sur 300 sources scientifiques, certains types de pâturages bien gérés peuvent en effet contribuer à stocker du carbone dans le sol. Mais ce potentiel représente tout au plus, et selon les calculs les plus optimistes, 20% à 60% des émissions de méthane des ruminants broutant sur ces prairies, soit 4% à 11 % des émissions dues à l’élevage, et 0,6% à 1,6% des émissions issues des activités humaines (auxquelles l’industrie de l’élevage contribue à hauteur de 15%). De plus, la capacité d’un sol à stocker le carbone arrive à saturation en seulement quelques décennies, et ce carbone peut être relâché dans l’atmosphère à l’occasion de sécheresses, par exemple. Les émissions de méthane des ruminants, elles, persistent et s’accumulent tant que l’élevage perdure.

Or, les ruminants élevés à l’herbe ont tendance à émettre davantage de méthane que les ruminants nourris de grains et de soja, car les fibres de l’herbe augmentent la production de ce gaz dans le système digestif des animaux. En outre, les animaux élevés de manière intensive, à force d’être gavés d’aliments concentrés, d’antibiotiques et parfois d’hormones et à force de sédentarité, atteignent leur poids d’abattage plus vite que les animaux nourris à l’herbe, et ont donc moins de temps pour « polluer » avant d’être transformés en viande.

Les émissions de méthane issues de l’élevage inquiètent de plus en plus les scientifiques par leur impact et par leur croissance. Des calculs récents montrent que les quantités de méthane émis dans l’atmosphère ont augmenté 10 fois plus vite depuis 2006 qu’entre 2000 et 2006, presque exclusivement à cause de la croissance de l’élevage dans le monde, ce qui n’avait pas été anticipé dans les projections des climatologues. Bien que la durée de vie moyenne du méthane dans l’atmosphère soit moindre que celle du dioxyde de carbone, il s’agit d’un gaz bien plus puissant en termes de pouvoir de réchauffement global. Selon le dernier bulletin des gaz à effet de serre de l’OMM, « le méthane atmosphérique a atteint 257% du niveau qu’il avait à l’époque préindustrielle du fait de l’accroissement des émissions anthropiques ».

En ce qui concerne le stockage du carbone, il existe un moyen nettement plus efficace et durable que le pâturage : la préservation des espaces naturels. Une étude internationale (Richard A. Houghton et alii, Wood Hole Research Center, 2017) estime que la capacité des forêts à absorber le carbone a été largement sous-estimée jusqu’à présent. L’arrêt de la déforestation, le reboisement et la préservation des forêts pourrait contribuer pour au moins un quart à l’objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. Les forêts sont précieuses pour le climat et la biodiversité, mais leur surface dans le monde s’est énormément réduite et l’année 2016 est celle de tous les records avec la perte de 29,7 millions d’hectares au niveau mondial, en grande partie pour laisser place au pâturage et aux cultures destinées à l’alimentation des animaux d’élevage.

L’utilisation d’espace et la dégradation des sols

Car le pâturage est un grand, très grand consommateur d’espace, c’est là son plus gros défaut écologique. Si nous voulions passer à des élevages exclusivement sur pâturage, la planète n’offrirait d’espace que pour une consommation de protéines animales de 7 à 18 grammes par jour et par personne maximum, contre 32 grammes actuellement en moyenne dans le monde. Au moins deux fois plus de surface terrestre est dédiée au pâturage qu’aux cultures, y compris celles destinées à l’alimentation animale.

Les prairies ne sont pas sans abriter une certaine biodiversité, mais celle-ci est sans commune mesure avec celle des espaces naturels qu’elles ont remplacés à grands coups de piétinements et de broutage. Les éleveurs accentuent cette attaque à la biodiversité en ordonnant l’abattage des prédateurs qui menacent leurs troupeaux et qui sont pourtant reconnus pour contribuer à la régulation de la biodiversité locale. Sur certains territoires, les troupeaux entrent en concurrence avec les espèces autochtones. Dans la réserve naturelle de Wanglang en Chine, le panda géant, une espèce longtemps protégée, est à nouveau menacé par la dégradation de son habitat et de sa principale ressource alimentaire, le bambou, à cause des animaux d’élevage. Le nombre d’animaux élevés sur pâturages a été multiplié par neuf en quinze ans sur ce territoire, en réponse à une demande locale accrue en viande.

Un autre enjeu écologique crucial, pourtant assez méconnu, est celui de la dégradation des sols. La majorité des terres agricoles du monde a perdu une partie de ses fonctions biologiques et donc de sa biodiversité, de sa capacité à produire des plantes et à stocker le carbone, à cause de pratiques culturales et surtout de pratiques d’élevage qui se sont globalement intensifiées au cours des dernières décennies. Environ 70 % des pâturages des zones arides sont considérés comme dégradés. Les partisans de l’élevage prétendent que les animaux ont l’avantage de produire du fumier venant enrichir les sols en azote lorsqu’il est épandu, ce qui permet d’éviter l’utilisation d’engrais chimiques. Ils omettent de rappeler que l’azote contenu dans le fumier n’est pas « produit » par les ruminants, mais était déjà contenu dans les plantes qu’ont ingérées les animaux. Il s’agit tout simplement d’un cycle, les ruminants n’ajoutant aucun nouveau nutriment dans le système. Lorsque l’alimentation des animaux est complétée par du fourrage issu d’autres exploitations, comme c’est très souvent le cas, l’azote contenu dans leur fumier est donc « importé ».

De plus, tout l’azote consommé par les animaux ne se retrouve pas dans les sols : il est contenu également dans leur viande et leur lait, et une partie de l’azote contenu dans le fumier se disperse dans l’eau et dans l’air plutôt que dans le sol, pouvant créer de vastes pollutions en cas de concentration excessive (nitrates, ammoniac et protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre très puissant). Donc même lorsque le fumier est épandu sur les zones pâturées, ces prairies finissent par perdre de l’azote. Dans tous les cas, si l’on veut maintenir la production animale à son niveau actuel, on ne pourra se passer d’engrais de synthèse pour soutenir la croissance des plantes dont se nourrissent les animaux. Sans oublier que l’épandage de fumier nécessite des machines et des tracteurs qui vont tasser les sols et polluer l’atmosphère.

Pensez à ce que la planète gagnerait si nous libérions les 26 % (voire davantage selon les estimations) de la surface terrestre actuellement occupée par les zones de pâturage : moins de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, plus de biodiversité sauvage, des sols en meilleure santé, bref, un pas de géant vers la résolution de la crise écologique. Avant d’en arriver là, les partisans de ce gâchis monumental qu’est l’élevage à grande échelle trouveront-ils une autre (fausse) bonne raison de le faire perdurer ?

Source : Association Végétarienne de France

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« L’industrie ovine est bonne pour la montagne » est l’une des fake news les plus diffusées par le lobby de l’industrie animale !

Nous le rappelons encore ici, une nouvelle fois : les industriels ovins n’ont rien à voir avoir Heidi ou Charles Ingalls !
En effet, loin des clichés bucoliques et des caméras de télévision, les néo-ruraux montent d’immenses troupeaux dans les alpages et les estives, au moyen de bétaillères (ils les appellent pudiquement « des bus »…). Là sont laissés sans surveillance 3000 à 4000 « bêtes de rente » qu’un « berger » viendra voir, au mieux, une fois par semaine.

Il va sans dire que cette hyper-concentration favorise toutes sortes de maladies. Les troupeaux de l’industrie ovine, même dans les montagnes, sont donc traités préventivement avec un cocktail médicamenteux qui donnerait le tournis à un junkie.

Vous voulez sauver la montagne et sa biodiversité ? Ne mangez plus de viande ovine (mouton, agneau) !

association Le Klan du Loup

Commentaires sur l’article « L’industrie ovine est bonne pour la montagne ? Fake news ! »

1 réponse

  1. C’est curieux tout de même, des défenseurs du loup végétariens ou mieux (ou pire) encore végans…

    Article bien trop à charge et avec des biais évidents et je ne suis pas un antiloup. Le loup a sa place dans les montagnes et les forêts naturelles qui ne sont pas que les nôtres mais sont aussi les leurs. Si la transhumance avec des troupeaux de plus en plus grands sur des pelouses alpines où ils ne devraient pas être et qu’ils ravagent fait problème, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Un pastoralisme responsable d’une co-construction avec la nature de milieux riches en biodiversité et de paysages patrimoniaux et lui aussi à préserver. Et si l’on envisage la question du point de vue de la naturalité, les végétariens et végans me font bien rire : entre les champs cultivés nécessaires pour obtenir leurs nourritures et des herbages de moyenne montagne, il n’y a pas photo. La culture est un combat permanent contre les « mauvaises herbes », les « ravageurs » de tout poil et toute carapace, bref contre la Nature qui ne s’avoue jamais vaincue et renaît sans cesse dans les sillons de blé, de soja etc.
    Pour plus de détails et de justifications de la position esquissée ici voir sur mon site les articles sur la question du loup et sur la transhumance et le véganisme *** [spam]

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