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Moutons et chèvres, facteurs de désertification

D’année en année, le désert progresse dans les steppes mongoles. Ce phénomène, qui menace l’existence des populations nomades de bergers, est dans le même temps causé par ces derniers : le surpâturage est en effet la principale cause de la disparition du plus grand écosystème de prairies au monde, selon une étude publiée dans la revue Global Change Biology, jeudi 5 septembre [2013], par des chercheurs de l’université de l’Oregon, aux Etats-Unis.

La Mongolie, territoire semi-aride de 1,6 million de km2 (soit trois fois la superficie de la France), est constituée à 79 % de steppes, essentiellement des prairies. L’équipe de scientifiques a analysé l’évolution de cette végétation entre 2002 et 2012 grâce à un nouveau système de surveillance par satellite. Conclusion : 12 % de la biomasse a disparu sur cette période – et 40 % dans le sud du pays, où le désert de Gobi envahit de plus en plus les pâturages –, tandis que 70 % des prairies sont considérées comme dégradées – soit parce que le sol s’est appauvri, soit parce que le sable envahit les terres où l’herbe poussait dru.

DEUX FOIS PLUS D’ANIMAUX DOMESTIQUES

Le changement climatique joue évidemment un rôle dans cette désertification. Des périodes de sécheresse de plus en plus longues conduisent à l’assèchement des rivières et des lacs, tandis que l’érosion éolienne prive les sols d’un humus fertile. Mais selon l’étude, 80 % de la perte de végétation au cours de la dernière décennie provient d’un tout autre facteur : la croissance rapide du bétail. De fait, depuis vingt ans, les cheptels d’animaux domestiques ont presque doublé, passant de 26 millions de moutons, chèvres, chevaux, bovins, chameaux et yaks en 1990 à environ 45 millions de têtes en 2012, pour une population de seulement 2,6 millions de personnes. Ces animaux exercent une forte pression sur des écosystèmes fragiles et peu productifs en raison de l’absence d’irrigation et de fertilisation.

RETOUR À L’ÉLEVAGE EN RAISON DU CHÔMAGE

« L’élevage a toujours été un secteur économique clé de la Mongolie. Mais il s’est vu renforcé par les changements socioéconomiques liés à l’éclatement de l’ex-Union soviétique, en 1991. Le passage d’une économie centralisée à une économie de marché a entraîné une augmentation du chômage et un retour d’une partie de la population dans les campagnes », expose Thomas Hilker, le principal auteur de l’étude.

Aujourd’hui, alors que le taux de chômage y frôle les 10 %, l’agriculture emploie 42 % de la force de travail contre 34 % dans les années 1980 – et ce, malgré le boom minier en train de changer la face du pays.

Avec leur bétail, les éleveurs assurent leur propre subsistance, mais ils exportent également une part croissante de leur production. Les chèvres sont ainsi massivement élevées pour leur laine afin de fabriquer des vêtements en cachemire, très prisés dans les pays occidentaux, le Japon et la Chine. Or, les chèvres, des ruminants particulièrement robustes qui peuvent se nourrir d’arbustes, sont particulièrement agressives pour le sol.

MENACES SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Les conséquences de cette désertification sont multiples. Elle menace tout d’abord la survie des éleveurs, qui ne peuvent plus nourrir leur bétail. Selon les coutumes nomades du pays, ils se déplacent de pâturage en pâturage au rythme des transhumances. « Les éleveurs vont se déplacer vers des prairies encore intactes, ce qui va augmenter la pression sur ces régions et donc accélérer la désertification. Un jour, la sécurité alimentaire des populations ne sera plus assurée, car leurs terres ne seront plus durables », prévient Thomas Hilker.

Autre danger : le renforcement du changement climatique. « La végétation, en rejetant de l’eau dans l’atmosphère lors de la photosynthèse, refroidit l’atmosphère et génère une humidité qui pourra éventuellement se transformer en précipitations, explique le chercheur. La disparition des prairies peut alors altérer le climat régional, avec moins de pluie et plus de températures extrêmes, ce qui aggrave encore la désertification. » Un cercle vicieux.

Source : Le Monde

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